Baudé, Oberson "L'œuvre au noir"

From 21 September to 04 November 2006

Des galeries, des arcades, des colonnades, des cours…

Les architectures dessinées par Jean-François Baudé semblent être toujours des lieux de passage. Choix paradoxal, car ici toute activité humaine est interdite. Ces paysages urbains imposants, à l’instar des places vides de De Chirico, évoquent plutôt un décor théâtral qu’une véritable ville en marche. Dans ce cadre artificiel, une étrange lumière blanche se mêle aux zones d’ombres épaisses, comme si des projecteurs invisibles se braquaient sur la scène dépeuplée. Même les "accessoires" situés au fond - un immense banc menaçant ou une chaise minuscule, d’un rouge irradiant - sont déjà prêts à jouer leur rôle. Le silence, le temps suspendu, tout cela rappelle le moment précédant une représentation. Mais chez Baudé, la représentation n’a pas lieu.

C’est que les acteurs sont ailleurs, en face, chez Guy Oberson. Des visages en close up et en pleine page, des nus en poses « michelangelesques » étalés sur la surface, les personnages sont dans un No man’s land pictural, délivré de tout élément parasite. Situés au premier plan, on dira même au bord de l’œuvre, ces êtres n’offrent aucun renseignement précis, aucun détail sur leur localisation. Drôles de comédiens, toutefois, griffés et rayés, brouillés, inachevés, ils gardent à peine leur "architecture" extérieure, et se transforment en une trace ou un vestige, imprimé sur papier fin. L’artiste, en effet, les couvre de stries, de trames qui "dégoulinent" et forment un voilage qui s'interpose entre eux et le regard du spectateur. Ces êtres plaqués sans épaisseur, ces corps et ces visages aux yeux clos sont à la fois terriblement présents et soustraits à la réalité, comme absents à eux-mêmes. Bref, figurants de passage.

Itzhak Goldberg