Petrus De Man "Jadis les arbres étaient des gens comme nous"

Du 11 juin au 18 juillet 2009

"Before, the trees were people like us"

Monumental, rude,  saccadé,  le trait nomme la maison :  îlot de l’aliénation. Un bonhomme habite le polyèdre de guingois, sommaire, divisé en cases, ou le tient à bout de bras sans trop savoir qu’en faire. Qui contient l’autre ? Trop grand dans son costume étriqué, son <cadre de vie>, notre bonhomme se plie en quatre, subit la pression des murs, les déborde en les proclamant siens.  Tout dans cet univers singulier,  homme enfant, maison cage, arbres, fleurs et soleil solidifiés,  partage la même géométrie imparfaite, béante,  aux coins cassés. Infantile,  douloureuse, dérisoire, la figuration selon Petrus De Man oscille depuis le début entre la mise à mal de l’idole cycladique, le modernisme de Permeke et l’abstraction construite de plasticiens flamands, Luc Claus et Dan Van Severen.  Mais chez lui, c’est clair,  les dieux sont tombés sur la tête. Et si le plasticien gagne progressivement d’autres rives plastiques,  plus monumentales, c’est toujours la liberté et la dérision qu’il joue contre la rigidité et toutes les formes d’enfermement.

On est bien moins qu’hier dans le flou du rêve, le tremblé du repentir,  le déni du machisme, la complainte de chambrée. Le sanglot long de l’homme nu, couché ou debout, de face ou de  dos, souvent dupliqué, traînant un comparse ou marmot réticent, a fait long feu. Mimant de façon plus franche  la géométrie des premiers âges, Petrus a troqué l’obsession des fratries et du huis clos contre une forme d’expression moins sentimentale. L’horizon s’élargit, des paysages naissent, fleur, soleil, arbres, autant de vocables alignés en  équation fruste et baroque. La problématique paraît s’éclaircir. Il y a ceci, cela, et lui, Petrus, au milieu. L’art est là pour nommer, non pour résoudre. Efflorescence de formes carrées et cylindriques, les arbres aux troncs gonflés comme des potiches tendent leurs bras de fonte. Le trait est brutal, puissant, comme si le dessinateur avait d’abord  forgé l’acier, intériorisé  la  leçon des lignes dures nées du choc de la matière et des éléments. Du métal, pourtant, Petrus ne connaît que la plaque s’offrant à la  gravure, la pointe rudimentaire et batailleuse, le dessin qui en résulte, fusain, pastel imprégnés de la colère et de l’angoisse. Un dessin abrupt, brisé et pourtant énergique dont il faut à tout prix, Petrus l’a toujours su, préserver la charge vécue.

Danièle Gillemon, critique d’art et journaliste au Soir.