Christine Sefolosha, Waldszenen

Du 09 octobre au 15 novembre 2014

Fables, contes, apparitions… Christine Sefolosha convoque la présence des esprits pour sa cinquième exposition personnelle à la galerie Polad-Hardouin. Sans crainte du résultat à venir, elle se laisse porter par les visions qui s’inscrivent "malgré elle". Se plaisant à ne pas maîtriser l’ensemble du processus de création, elle introduit volontairement une part d’inconnu. Le monotype, qu’elle pratique depuis plusieurs années, ouvre la porte à l’imprévisible au moment de l’impression.
Quant aux papiers pliés ou Rohrschach, plongés dans différents bains d’encre puis déployés, ils laissent apparaître des formes à partir desquelles l’artiste va faire surgir ses visions : créatures zoomorphes, ramures de cerfs, masques, totems et fantômes... invitant le spectateur à pénétrer de l’autre côté du miroir, à rendre sensible les forces invisibles qui l’entourent.

Ces pliures, dont les symétries sont sciemment rompues, introduisent naturellement le thème du double et de la gémellité. Dans Le voyage, deux jeunes filles aux visages de cendres s’embarquent pour une étrange traversée. Entre elles, une petite divinité, au sourire énigmatique, semble arbitrer la direction qu’elles emprunteront. Une multitude d’yeux indiquent la présence d’êtres qui animent le paysage. Cadet Rousselle, joue aussi sur l’écho des formes qui se répondent : les vêtements des personnages abritent chacun dans leurs motifs une histoire tandis que les fleurs, telles des soleils nocturnes, rayonnent sur ce paysage spectral.

Les souvenirs se forment aussi dans les taches d’encre et se répondent. Car ces fables sont aussi chargées d’une dimension autobiographique avec quelques éléments disséminés ça-et-là qui se rattachent au vécu de l’artiste. Dans les bannières flottant au-dessus du paysage de Cadet Rousselle, on peut lire “Cry the Beloved Country”, une référence explicite au roman du Sud-Africain Alan Paton. Le passage par l’Afrique de Christine Sefolosha a été fondateur dans sa pratique artistique et un moment charnière de son existence.

Mais si ce séjour africain a renforcé cette proximité avec le monde surnaturel, nul n’est besoin d’aller si loin pour aller à la rencontre du monde des esprits. Christine Sefolosha plonge ici aux sources d’un monde primitif européen dans les figures totémiques vaudoises et appenzelloises de son enfance, comme celle du cerf dont les ramures sont des racines tendues vers le ciel, ou les sorcières Tschäggatä (1) des processions d’hiver.

« Avec mes images, je sonde par le prisme de mon vécu et de mes intuitions, les racines de chacun, qui se rattachent à l'inconscient collectif dont je pense être réceptive », écrit-elle. Aujourd’hui, alors que nous sommes plongés dans un monde qui évolue à un rythme toujours plus rapide, les peintures de Christine Sefolosha nous convient, à la manière des Waldszenen (2) de Robert Schuman, à suspendre un instant cette agitation pour emprunter le chemin de la forêt, et retrouver les esprits ancestraux qui y résident encore.

Née en 1955 en Suisse, Christine Sefolosha a résidé neuf ans en Afrique du Sud. Ce séjour a profondément marqué sa pratique artistique. Autodidacte, elle a depuis participé à des expositions muséales en Suisse, en France, aux Etats-Unis, (musée du Lagerhaus à Saint Gall, Halle Saint-Pierre à Paris, le musée des arts visionnaires à Baltimore…). Son travail est régulièrement montré à New-York, Chicago, Paris et en Suisse. Depuis 2003, elle est régulièrement exposée par la galerie Polad-Hardouin.

(1) Sorcières qui se présentent l'hiver à la porte des fermiers suisses.
(2) "Waldszenen" : d’après la pièce de Robert Schumann qui peut être traduit littéralement de l’allemand par "scènes des bois ".