Fred Kleinberg "Monstre-toi"
Fred Kleinberg – Monstre-toi
Ses autoportraits sur papier, frontaux, rageurs et mystérieux, dessinés il y a une dizaine d’années à Rome, Fred Kleinberg ne les montre plus ; ses figures à peine humaines et largement laissées pour compte, peintes durant ces dernières années à Moscou ou à Pondichéry, non plus.
Aujourd’hui, à Paris, il accomplit une nouvelle série. Et comme toujours le résultat est décapant, politiquement incorrect. Auteur de chansons dans les années 80, avant d’embrasser la peinture, voilà l’artiste rattrapé par ses premières amours : il peint des rocks stars. « Choisies pour leur fidélité à leurs convictions » dit-il, pour leur caractère « irrécupérable », ces têtes de son se nomment Iggy Pop, Joe Strummer, Patty Smith, Johnny Cash ou Nick Cave. Autant de monstres, de mythes !
Matière épaisse, tons stridents, contrastes acides, cadrages décalés, très gros plans et formats énormes : les attitudes sont fixes, l’ambiance électrique, l’insolence des regards essentielle. Chaque sujet est montré au repos, entre deux concerts, en plein vide : inquiet mais habité ; au calme mais à l’état de veille. « Laisser place à leur humanité », tel est le projet. Faire triompher la permanence des rages légitimes, la puissance des trop rares vigilances, le danger de toute existence lucide, telle est la réalité.
« Se détacher de l’image et faire place à l’énergie de la peinture ». Des photographies d’archives constituent le point de départ des toiles. Les clichés cèdent le pas à l’inspiration du peintre : visions fouaillées par le pinceau, et intuitions sublimées par la couleur.
« Alors que faire d'icônes rock devenues humanités peintes ? » demande la critique d’art Joëlle Péhaut, qui poursuit : « La vraie violence est là. Comme si, ainsi décontextualisées, ces icônes recouvraient une portée universelle. Comme lorsqu’on coupe le son au journal de 20 heures et qu’il ne s’agit tout à coup plus d'information. Ces toiles nous parlent d’autre chose. De vies possibles, dangereuses, savoureuses, exemplaires et respectueuses de la vie. De vies d’artistes. Celles qui parfois entraînent la mort sans intention de la donner ».
Françoise Monnin, Paris, octobre 2008