Guy Oberson "Portraits et paysages"
Avec justesse, Oberson fait la distinction entre tête et portrait. C’est que le portrait, selon la définition du Grand Robert de la Langue Française, est « la représentation d’un ou plusieurs êtres humains individualisés. ». Le plus souvent mettant en scène le visage, le portrait reste, malgré tous les assauts de la modernité, conditionné par la nécessité de la ressemblance. Certes, cette ressemblance ici n’est que « résiduelle », une trame sépare le « modèle » du spectateur. Néanmoins, les personnages sont reconnaissables ; Christian, Eric, sont des êtres humains, même si on ne les connaîtra probablement jamais.
Les têtes, faites à coups de brosse, surgissent d'une sorte de magma informe. Inachevées, détachées du corps, la bouche-orifice s’ouvrant vers le spectateur, elles font le deuil de leur prétendue spiritualité en matérialisant toute leur corporéité bestiale. Têtes ou mi-crânes ; ce n’est pas innocemment qu’on trouve dans cette séquence une œuvre qui se nomme Nature morte au masque et une autre Autopsie de notre incertitude. Mais, malgré (ou grâce à) cette fin éventuelle, annoncée, les têtes, se dressant dans une grimace pathétique, résistent. Néanmoins, portraits ou têtes, tous ces travaux gardent encore la présence humaine, aussi mince qu’elle soit, aussi inquiétante qu’elle puisse être.
C’est ailleurs, avec des paysages teintés d'un bleu froid qui défilent, qu’on se trouve face aux véritables visions d’absence. Les formes y sont proches de l’évanouissement, dispersées ou recouvertes par des réseaux de dégoulinures. Des lambeaux, colorés ou non, flottent comme des tissus délavés et déchirés. La matière devient de plus en plus fluide et les éléments figuratifs de plus en plus légers, jusqu’à la transparence. Des éléments figurés voisinent avec d’autre, indéterminés, les rochers semblent des nuages et les arbres des brumes. Images d'une nature vidée de toute figure humaine ou encore des représentations urbaines, bâtiments à moitié effondrés. Rien n’est nommé, situé, raconté dans ces visions en marge, aux chemins qui mènent au-delà de nulle part.
Itzhak Goldberg