Lydie Arickx "Un genou en terre"

Du 01 février au 29 mars 2003

DONC

Il y a Lydie, il y a Arickx.
Donc, le corps revient en force. Donc, il retrouve l’usage de son sang, de ses sens, de sa brûlante et convulsive identité. Donc, il n’est plus une dépendance de la Raison, de la Théorie, de la Machine à en commercialiser les apparences. Donc, le corps, par troués et torsions conjointes, sort de sa longue nuit d’objet. Donc, avec lui, on n’est plus à l’enseigne de la pornographie, des défilés de mode, des vantardises vénales. Donc, il nous montre à nouveau son privilège d’être un abîme, son abondance des origines, sa vertu fondatrice. Donc il est dans sa vérité de corps créateur de valeurs, de savoirs, de révélations. Donc, il s’ébroue comme animal pour bondir comme humain. Donc, il est un chaos capable de lumières. Donc il est un gisement de douleur et de grâce qui ne demande qu’à nous éclairer de ses pulsions civilisatrices, considérablement ensevelies, à l’état de maudites. Donc, ce corps cesse soudain d’être un vertige analphabète. Donc, soudain, il nous ouvre son grand livre tellurique. Donc, il existe, tout au fond de nous, au moins comme brouillon, ce livre dont j’imagine que les pages ruissellent encore de la boue des commencements du monde et nous promettent une renversante lisibilité de l’être. Donc, c’est bien notre époque qui nous désapprend à écrire de tels livres, trop dangereux pour la vieille et dogmatique et cérébrale idée qu’elle se fait du progrès. Donc, notre époque est bel et bien une déshumanisation à l’œuvre. Donc, il s’agit de toute urgence, de dévorer du regard l’œuvre de Lydie Arickx. Donc, quand elle me dit que l’homme moderne devrait, par humilité, mettre un genou dans la terre, je comprends ce que cela signifie. Donc, je vibre. Donc, je rugis, avec elle, cette prière exacerbée mais visionnaire.

Marcel Moreau

16 novembre 2002