Terra Incognita, Anya Belyat-Giunta

Du 09 octobre au 15 novembre 2014

...Chère imagination ce que j'aime surtout en toi c'est que tu ne me pardonnes pas …
                                                                                                  A.Breton

Les dessins présentés pour cette seconde exposition personnelle d’Anya Belyat-Giunta à la galerie Poladì-Hardouin témoignent d’une œuvre en pleine transition, à la recherche de nouveaux territoires plastiques. Sous l’égide de son titre, Terra Incognita, ses deux volets, matérialisent ce passage vers des formats plus monumentaux et une aspiration à explorer des paysages intérieurs inédits.

Nous connaissons de l’artiste, d’origine russe, ces étranges dessins au crayon liquide sur carte perforée qui déploient sur un format confidentiel les images mentales d’un univers fait de créatures fantastiques et ondoyantes. Ce support, un vestige des débuts de l’ère informatique, servait à enregistrer des données, et dans ce cas bien précis les notes des élèves. La rigueur du cadre qui forme comme une dentelle de chiffres, contraste avec les visions fantasmagoriques qui s’y inscrivent.

Alors que cette série, initiée en 2007, arrive à sa fin avec l’épuisement du stock de cartes, Anya Belyat-Giunta, remontant aux sources, s’est intéressée à ces premières machines et à leur beauté inusitée. Ces structures très graphiques de tubes et tuyaux ont fait tardivement leur apparition dans cet ensemble. On les voit maintenant peupler ses dessins, se fondre dans la transparence des formes organiques et composer ces êtres hybrides qui évoquent les corps-machines des récits fantastiques, mais également la composition cellulaire des encres d’Unica Zürn.

Un deuxième espace sera consacré à un ensemble de grands formats débutés à l’automne dernier. À la manière de l’explorateur médiéval Jean de Mandeville dans Le Livre des merveilles du monde, ces encres consignent une géographie à la fois précise et fantasque des pensées de l’artiste. Le paysage, aperçu depuis la fenêtre de l’atelier constitue le cadre et le point de départ de ses tribulations. Ce rituel quotidien est la condition nécessaire qu’Anya Belyat-Giunta s’impose pour atteindre les images mentales qui la traversent, “des archétypes de la vie instinctive et spirituelle", écrit-elle. Dans Landscape with Entry, les montagnes se dissolvent dans de multiples aplats d’encre colorée pour révéler des entités charnelles et glissantes. Au travers de ce paysage, le corps se manifeste, mais de manière diffuse, seuls sont perceptibles son énergie vitale, ses flux, son humidité, sa respiration.

Anya Belyat-Giunta s’est également nourrie des films de science-fiction, en particulier Voyage to the Planet of Prehistoric Women de Peter Bogdanovich adapté du film d’avant-garde russe de 1962 de Pavel Klushantsev. Cette influence cinématographique, aux décors et aux effets ouvertement artificiels, a marqué les silhouettes d’astronaute des personnages qui habitent ces terres rêvées et fertiles. Terra Incognita s’apparente donc à un espace en métamorphose. Nombreux sont les sentiers qui attendent encore d’être défrichés, mais tous sont porteurs de promesses.

Anya Belyat-Giunta est née en 1975 à Saint-Pétersbourg. Les turbulences de la fin de l’ère soviétique contraignent sa famille à l’exil. Ce sera d’abord l’Autriche, puis l’Italie et les États-Unis où Anya vivra son adolescence. Le dessin l’a très tôt habitée et l’a toujours accompagnée dans ses pérégrinations. Elle concrétise cette passion en poursuivant des études d’arts plastiques à Florence puis à Minneapolis et à Toulouse. Plusieurs expositions personnelles lui ont été consacrées en France, en Russie et aux États-Unis. Elle vit et travaille aujourd’hui à Mornant (69440). Depuis 2012, ses oeuvres sont régulièrement exposées à la galerie Polad-Hardouin.